SOMMAIRE
  Avant-propos Introduction Chapitre II Chapitre III Résumé Conclusion Bibliographie Corpus Contact

 

CHAPITRE I :
Un dialogue de film

I La composition d'un film
A Le visuel
B Le sonore

II Le dialogue au cinéma
A Les divers types de dialogue
B Les fonctions du dialogue
C Les modèles conversationnels et interactionnels
D Les spécificités du dialogue au cinéma

III Les interférences

 
 
CHAPITRE I

II Le dialogue au cinéma

D Les spécificités du dialogue au cinéma

1 Un dialogue réaliste

Le dialogue naturaliste, réaliste, se rapproche de la conversation réelle. Et comme il est proche de la réalité, il "procède donc par silences, questions sans réponses, gestes non explicités, actions inachevées . "(scénarios modèles...,Vanoye)
Dans La vie de Jésus, les silences sont très fréquents et on trouve peu de justifications orales à leurs gestes, à leurs actions. Beaucoup de causes restent en suspens et leurs natures ne sont pas explicitées.

Tout d'abord, le personnage ne doit pas tout connaître de lui, de ses intentions et de ses émotions. Ses paroles doivent garder le mystère de son inconscient. La psychanalyse a révélé que les hommes ne sont pas conscients en permanence de ce qu'ils pensent, ressentent ou veulent. Cela doit être vrai également pour le personnage : il ne doit pas être transparent à lui-même, ne doit pas tout contrôler et ses convictions intimes peuvent se révéler fausses. Le personnage n'a pas toutes les réponses et a fortiori, le spectateur. La dramatisation du film en est donc plus forte.
Cette dramatisation est très forte dans La Vie de Jésus car les paroles sont rares. Les personnages restent silencieux sur ce qu'ils pensent et ce qu'ils ressentent. Lorsqu'on leur pose la question, il ne savent pas quoi répondre ((255.9) : Gégé demande à Michou : " qu'est-ce que tu ressens " et Michou répond : " bof je sais pas " (255.11) et répète la phrase qui avait amené la question de Gégé : " je me sens mal " (255.12)).

Cependant, la parole peut mentir. Cela se produit également dans les films : un personnage ment et trompe son entourage pour se préserver de représailles, de reproches réels ou imaginaires. Le travestissement de la vérité grâce à la parole est alors le seul recours du personnage après le silence. Tout lui est permis pour échapper au préjudice.

Par ailleurs, la parole est codée, c'est-à-dire qu'apparaissent dans les dialogues réels des expressions syntaxiques ou lexicales récurrentes. Elles sont reproduites au cinéma pour montrer l'appartenance à un groupe. Cette codification est inhérente à tous les comportements sociaux mais elle peut se trouver également chez chaque locuteur sous forme de tic du langage. Ainsi, cette codification individuelle, lorsqu'elle est utilisée au cinéma, permet de singulariser les personnages par la parole.
Dans La Vie de Jésus, le code de la parole se retrouve dans le langage des jeunes du groupe de Freddy. En effet, la récurrence du terme " putain " sous sa forme pleine ou sous sa forme réduite " tain " semble servir de signe d'appartenance à ce groupe. Par ailleurs, leur utilisation de mots triviaux et populaires comme " gueule ", " salope ", " bougnoule ", etc. accentue cette codification.

2 Un dialogue condensé

Les dialogues sont toujours condensés. Ils n'ont ni la durée d'une conversation réelle ni sa spontanéité. Les conversations réelles ont la particularité de progresser par associations d'idées, de se répéter, de revenir en arrière suivant le désir des interlocuteurs et suivant les sujets qu'ils veulent aborder et développer. Les dialogues de cinéma sont différents : ils sont plus courts et ne progressent pas "à bâtons rompus ". Leur durée raccourcie rejoint les ellipses visuelles. La durée d'un film est d'environ quatre-vingt-dix minutes, il est donc impossible que toutes les conversations soient retranscrites comme dans la réalité.
Dans La Vie de Jésus, ce raccourcissement de la durée des dialogues renforce l'idée de la difficulté des personnages à communiquer. Le spectateur peut donc avoir l'impression qu'ils ont la durée normale d'une conversation pour les personnages.
Le dialogue au cinéma a souvent un double niveau car il est condensé par rapport à la réalité. Il doit donc essayer "de dire en trois mots ce que d'habitude on dit en deux cents mots . "(la sagesse du plaisir, Renoir)

Le dialogue est allusif et un mot ou une phrase prononcés peuvent renvoyer à des éléments extérieurs au film. Il s'agit d'un "condensé d'expériences ". Les termes dès lors sont connotés : le dialogue se lit donc à deux niveaux : le niveau narratif et le niveau symbolique qui demande une grande culture de la part du spectateur. Le deuxième niveau est très peu présent dans les films actuels. On le trouve par exemple dans Les tontons flingueurs où les références à d'autres films sont fréquentes (ex : scène où Lino Ventura et ses amis sont dans la cuisine en train de boire pendant que sa fille fait une fête dans la pièce à côté. Ils tartinent des canapés lorsque Francis Blanche un peu éméché dit à un de ses amis qui vient de prendre son couteau : " Touche pas au grisbi ", ce qui n'est autre que le titre d'un film.).

Plus fréquentes, les références intradiégétiques permettent de rassembler deux moments du film par les paroles. Dans La Vie de Jésus, ce double niveau ne semble pas exister : tout ce qui est dit se rapporte à l'instant présent ou à un passé qui ne fait pas partie du film. Il n'y a pas de références extradiégétiques a priori.
Un autre niveau de lecture du dialogue se trouve dans la transparence du "non-dit ". La forme de l'énonciation de la parole laisse sous-entendre que le "dit " n'est pas le vrai et que celui-ci se trouve dans le "non-dit ".

3 Un dialogue construit

Le dialogue ne fait qu'approcher la réalité. En effet, un dialogue de film n'est jamais spontané. Il est possible que le réalisateur désire le plus de naturel possible dans les discours mais le dialogue aura toujours une partie réfléchie, écrite, même s'il ne s'agit que d'un canevas.
Comme nous l'avons dit, alors qu'une conversation réelle se répète, tourne en rond ou passe du coq à l'âne, le dialogue de cinéma est construit. Il est clair, logique et les propos des personnages sont pertinents. Tous les termes employés ont une signification au sein du film : on ne retient que l'essentiel de la conversation, que ce qui sert à la compréhension du film.
Certains dialogues annoncent ou rappellent des faits qui se sont produits ou qui vont se produire au cours du film.
Ces effets d'annonce ou de rappel ne se retrouvent pas dans La Vie de Jésus.
Les dialogues sont souvent codés et ne donnent leur véritable sens qu'après de nombreuses lectures du film. Ainsi la parole au cinéma comme dans la réalité est faite de diversité et de pièges.

" Au théâtre, le dialogue, le texte, le tissu verbal se doivent d'assurer la continuité. La parole souveraine crée la diégèse. Contraint d'être toujours dramatique, le théâtre est continûment dialogué. Au cinéma, la continuité est assurée par le montage audiovisuel, l'interaction du visuel et du verbal, l'implication de l'image et du dialogue ".(scénarios modèles...,Vanoye)

  page précédente page suivante