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INTRODUCTION

 

 
 
INTRODUCTION

Lorsque le cinéma a vu le jour en 1895 grâce aux frères Lumière, il s'agisssait de reproduire sur écran la réalité visuelle. Avec l'arrivée de Méliès puis de Griffith, le cinéma s'est peu à peu transformé en art. Le manque de son était pallié par un montage des images antre elles. Le cinéma a donc créé son propre langage. Dans les années trente, lorsque le son est apparu, le cinéma est retourné à ses origines: le son ne faisait que reproduire le réel et ses nombreux bruits. Peu à peu, le son est devenu un élément du film au même titre que l'image c'est-à-dire qu'il participe au sens grâce à la parole, aux bruits et à la musique. Le cinéma devient donc un art réaliste dans la mesure où il permet de reproduire le réel. Dès lors, un certain nombre de cinéastes vont essayer de faire passer la sensibilité de leur époque dans leurs oeuvres.

C'est le cas du réalisateur Bruno Dumont qui, en 1999, a été récompensé au festival de Cannes pour son film L'Humanité. Ce film, dont l'histoire se situe dans le Nord, est le second long métrage du réalisateur. L'ex-étudiant en philosophie, professeur à Lille a, en effet, réalisé en 1997, La Vie de Jésus. Ce premier long métrage prédisait le succès du scénariste-réalisateur. Le film a reçu le prix Jean Vigo 1997, le prix spécial caméra d'or au festival de Cannes 1997 et de nombreux autres prix ainsi qu'une nomination aux Césars 1998. Avant ce succès, Bruno Dumont réalisait des films de commande pour des entreprises. C'est par ce biais qu'il a appris les techniques de l'écriture d'un scénario et celles de la réalisation. Il réalise ensuite un court-métrage qui passera inaperçu.

La Vie de Jésus, comme L'Humanité, se situe dans le nord de la France. Cela n'est plus exceptionnel depuis Germinal de Claude Berry en 1993, premier film mettant en scène les mineurs et leur région, suivi de nombreux films tels que ça commence aujourd'hui de Bertrand Tavernier (histoire d'une école maternelle d'Anzin), Karnaval de Thomas Vincent (tragédie sociale dans le contexte du carnaval de Dunkerque) ou bien encore La vie rêvée des anges de Zonca (histoire de deux jeunes filles errant à travers la précarité des petits boulots).

Mais l'originalité des films de Bruno Dumont, par rapport aux films cités, est qu'ils ne mettent pas en scène des acteurs professionnels mais des habitants de la région. Le choix de la région et de ses habitants n'est pas dû au hasard : Bruno Dumont est né à Bailleul où se situe l'histoire de La Vie de Jésus, le film que nous allons étudié.
Bailleul est une petite ville des Flandres Maritilmes et pour le réalisateur, c'est "une terre très lente et physique. Le visionnement de ces paysages est troublant, à cause de leur puissance"(cahier Festival de Cannes). Par ailleurs, "les gens ont des expressions propres, un caractère, des manières d'être, de regarder, de se taire. Ce sont des Flamands." (idem). Faire jouer des habitants de Bailleul lui permet de retrouver leur caractéristique principale:"une fusion invisible, muette, entre eux et la terre sur laquelle ils sont"(idem). En faisant appel à des non-professionnels, la fiction perd de sa fausseté pour entrer davantage dans la réalité. "D'habitude, on prend un comédien et on le tire vers le personnage, moi j'ai fait le contraire. Du coup, il y a un jeu subtil entre ce qui est la fiction et le personnage. David Douche, qui joue Freddy; doit avoir du mal à regarder le film, parce que c'est lui. Mais en même temps, ça n'est pas lui , puisque je l'emmène dans la fiction"(Libération, 12 mai 1997). De ce point de vue, La Vie de Jésus peut être considéré comme "le plus parfait documentaire qu'on ait vu récemment (avec Western de Manuel Poirier) sur la survie en province ordinaire."(Libération, 4 juin 1997)

Cependant, on peut apporter une nuance : " Le recours à des acteurs non-professionnels, aussi "naturels" que le décor puisqu'ils sont censés y vivre, est […] limité et passablement trafiqué. Qu'ils soient non-professionnels n'empêche pas qu'ils aient à jouer, c'est-à-dire à représenter une fiction, même si cette fiction ressemble à leur existence réelle, et que de ce fait ils soient contraints de se plier aux conventions de la représentation ."(Esthétique du film, J.Aumont, etc.,Paris, 1999)

La Vie de Jésus raconte l'histoire de Freddy, un jeune homme de moins de vingt ans qui vit chez sa mère, Yvette, tenancière du café "au Petit Casino ". Le café a un seul client, René. Freddy est au chômage comme ses copains, Michou, Gégé, Quinquin et Robert, avec qui il fait des virées à mobylettes et des sorties en voiture. Freddy est très amoureux de sa petite amie, Marie, caissière à l'Intermarché de la ville. Freddy est épileptique et fait de nombreuses visites à l'hôpital. La bande de copains va être confrontée à la mort pour la première fois sous les traits de Cloclo, le frère de Michou, atteint du sida. Mais la vie de Freddy va changer lorsque Kader va faire son apparition. En effet, ce jeune arabe semble s'intéresser à Marie. Après que Freddy a agressé sexuellement une majorette avec ses copains, Marie se tourne vers Kader. Freddy fait alors sortir toute la colère et la haine, qu'il avait en lui, sur Kader. Il le frappe à mort. Arrêté, il s'échappera du commissariat pour se retrouver seul, au milieu de la nature.

L'histoire est simple et elle parle d'un milieu modeste. En effet, Bruno Dumont a déclaré : "on atteint les choses les plus profondes en passant par une histoire simple. […] Ce qui m'intéresse, c'est de descendre dans la nature humaine et de toucher le fond si possible. Je trouve ce milieu culturel très juste par rapport à la nature humaine. Les milieux les plus aisés sont beaucoup plus difficiles d'accès parce qu'il y a le vernis de la culture ".(libération, 12 mai 1997)

La Vie de Jésus, qui est très riche et très fort au niveau de l'histoire et des images, contient peu de dialogues par rapport aux films standard. Ce que l'on pourrait considérer comme une pauvreté peut être perçu comme une richesse. Comme le disait René Clair, un des bienfaits du parlant est d'avoir permis le silence. Un moment de silence prend alors tout son poids, toute sa signification.

Si l'importance du silence permet de mieux comprendre et de mieux appréhender le film dans son ensemble, il est également intéressant d'étudier les dialogues. En effet, puisque les personnages ne sont pas joués par des acteurs professionnels mais par des habitants de la région de Bailleul, cela laisse à penser que les termes employés, la syntaxe ou encore la prononciation sont assez naturels. Cette idée est renforcée par le fait que Bruno Dumont a travaillé en étroite collaboration avec ses comédiens pour savoir ce qu'ils diraient dans les situations qu'ils avaient à interpréter. De plus, le dialogue est peu dense mais, mis en scène sur un support visuel, cela le rend très riche pour une étude.

Le but de l'étude du dialogue étant de voir quelle place celui-ci tient au sein du film, de l'histoire, la première étape de cette étude a été l'imprégnation de l'histoire, par une répétition du visionnage de La Vie de Jésus. Par la suite, le découpage du film, plan par plan, a permis de cadrer le dialogue dans son contexte, le plus précisément possible. Un dialogue de film étant en étroite relation avec les images, le découpage plan par plan constitue le corpus sur lequel s'appuiera notre étude. Une fois ce travail de transcription effectué, les recherches ont été tournées vers les personnages, leur environnement, la signification de leurs actes et des images qui leur servent de support. Ces recherches ont permis de faire ressortir la signification du dialogue, sa place au sein de la diégèse. Ceci constitue la première partie de l'étude qui, en partant de l'étude générale de la place d'un dialogue au sein d'un film, s'oriente vers la signification du dialogue et sa place dans la diégèse de La Vie de Jésus.
La deuxième partie de l'étude repose sur le dialogue en lui-même, c'est-à-dire sur sa construction linguistique. Cette partie est rattachée à la précédente par les points de vue à travers lesquels l'étude a été faite. En effet, l'étude linguistique du dialogue est un moyen d'éclairer les propos développés dans la première partie. Ainsi, à travers la grammaire du dialogue, on retrouve les idées de l'enfermement et de la répétition. A travers l'étude succincte du lexique, on trouve l'appartenance des personnages à un milieu, une région.

Ainsi, à travers l'étude du dialogue de La Vie de Jésus de Bruno Dumont, nous essaierons de montrer que le dialogue a une grande importance au sein du film, et pas uniquement pour son mimétisme de la vie réelle.

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